Il est approximativement 18h30 dans un des auditoires More de l’UCL à Louvain-la-Neuve. Le soir est tombé depuis un moment maintenant et le cercle étudiant les « Radis-moi-tout » tient sa conférence annuelle sur l’importance du zéro déchet et des circuits courts. Sont réunis dans la salle ce soir-là pas moins de 8 personnes et au moins la moitié d’entre elles sont déterminées à changer le monde grâce à ces méthodes.
Alexis est l’une de ces personnes, il fabrique son savon, son dentifrice, son papier toilette, ses antidouleurs, autrement dit rien ne l’arrête. Depuis que la conférence a commencé, il écoute attentivement ce qui s’y dit, mais sans prévenir, alors que l’oratrice met en avant l’idée qu’il faut être le changement que l’on veut voir dans le monde, Alexis est pris d’une irrésistible et furieuse envie de croquer dans un Big Mac.
Ca fait pourtant 4 ans qu’il n’en mange plus, depuis sa prise de conscience écoresponsable et son engagement à devenir végétarien. Mais rien n’y fait, ce soir-là il ne se contrôle plus, il ressent le besoin de croquer dans un steak haché de bœuf transgénique élevé sur les brûlis des arbres centenaires de la forêt amazonienne. Il veut coûte que coûte sentir la sauce aux mille conservateurs et autres exhausseurs de goût lui tapisser le palet pendant qu’une tranche de cornichon cultivé en Chine dans des conditions de travail déplorables et soupoudré d’une quantité de pesticide qui mettrait à terre un rhinocéros, caoutchoute entre ses dents. Et de savoir le détail morbide de la préparation de ce mets exceptionnellement néfaste pour la planète et dont les ingrédients ont fait le tour du monde deux fois avant d’arriver en Belgique ne l’arrête en rien.
À très exactement 18h52, après avoir prétexté une urgence familiale pour quitter l’assemblée, après avoir pris sa voiture sur le parking, s’être rendu au MacDo le plus proche et avoir passé commande, il pose un croc libérateur dans l’hamburger qui représente tout ce qu’il déteste. Heureusement pour lui, personne ne l’a vu ni reconnu.