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jeudi, mai 22, 2025

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Le football moderne est belge

“ Ils ne passeront pas leurs vacances ensemble “, “ il a centré en première intention “, “ achetez-lui un labrador “. Toutes ces expressions, on les a entendues, commentées, partagées. Pourtant, l’une d’elles passe souvent outre les caméras de nos mini-VAR intérieures sans être questionnée : c’est « le football moderne ». Elle mérite une petite pause et un rafraîchissement pour les plus déshydratés. Attardons-nous un instant sur ce cas d’école des expressions footballistiques. Arrêt sur image. Pschiiit !

“ Il a avalé la trompette “, “ quelle toile du gardien “, “ une passe téléphonée “.
Après de longs moments à discuter, pérorer, rire, être écœuré parfois, par la répétition ou le côté inapproprié, et se chamailler aussi, style cour de récréation, autour de ces expressions consacrées au ballon rond, une expression subreptice, s’impose à nous sans crier gare : le “ football moderne “. Et celle-là, on ne l’a pas encore décortiquée. Elle reste en terrain inconnu pour l’instant.

Pils très houblonnée à la main et ceinture en vachette desserrée au niveau du bas abdomen, l’amateur-expert de football un peu attentif aux commentaires des journalistes et de leurs consultants ne peut pas passer à côté. Pas une préface, pas un débrief’ aux citrons et pas une conclusion d’après-match sans que le “football moderne” ne soit brandi pour mettre en exergue une prouesse stratosphérique ou excuser une bourde abyssale. Aux côtés d’Anne Ruwet sur RTL TVI, l’ancien gardien de but et désormais consultant Philippe Vande Walle en est la figure de proue. Il utilise l’expression à l’envi. Il la remet en jeu à chaque occasion ; on ne se refait pas.

Le “football moderne” mérite donc autant que les autres expressions de passer sous les projos de nos critiques les plus abouties. Pour tout amateur de football qui se respecte et dont l’objectivité est toute relative, c’est la moindre des choses. Pourquoi ? On ne sait rien ou presque de lui. On ignore quand il a débuté. Quelle est l’heureuse travée qui a pu assister la première à ce phénomène planétaire et basculer dans le nouveau monde ?

Dès lors, il est temps de faire une petite étude qualitative comme on en fait là où elles sont les meilleures, au Café du Coin, pour en savoir davantage sur les grands sujets de société.
Les verbatim permettront sans doute une datation aussi pointue que le Carbon 14.
La méthodologie est simple mais rigoureuse, à savoir dégainer un smartphone et son réseau social à brûle-pourpoint, comme un carton rouge pour morsure de Suarez, et proposer une date, un moment, un nom à trois potes quadras. Et attendre les retours.

“-Selon moi, le point de bascule entre le foot pas moderne et le moderne, c’est Jacky Munaron, non ?

-Perso, le moment clef c’est depuis que les klaxons du Germinal Ekeren ont disparu avec le club. C’est la charnière à mon avis. https://www.youtube.com/watch?v=9EISq_A0Svg

-Pour moi, le transfert de Didier Dheedene, d’Ekeren vers Anderlecht, ça change tout. C’est le tipping point.

-C’est vrai que les sept buts encaissés par Munaron face à Arsenal en 93, c’est sûrement là que le monde du foot professionnel s’est dit qu’on devait aligner des gardiens modernes, grands, souples, qui savent jouer aux pieds, qui en imposent devant des buteurs-nés, avec des coupes de cheveux plus classiques (on vivait les dernières heures de la coupe mulet, il faut le rappeler et se demander s’il n’y a pas un lien de causalité) et des maillots aux couleurs reposantes pour les rétines les plus sensibles, pour passer devant des millions de spectateurs en mondovision.”

Après analyse rigoureuse des données récoltées, on peut conclure avec la plus grande précision que le football moderne a débuté dans les années 90, en Belgique, dans le nord-est du pays, entre le bassin liégeois et la Province d’Anvers, au cinquante mètres entre Sclessin et le Veltwijckpark.

A l’évidence, cette étude menée avec soin comporte quelques biais. On va lober ce détail. Il faut bien conclure. Et puis faire la part des choses et être nuancé dans le commentaire de commentaire de foot en évitant toute polémique, ce n’est pas le but recherché.

La Belgique n’a jamais remporté de coupe du monde, elle n’a pas de Maradona et c’est plus que probable qu’elle ne disposera jamais d’un stade national digne de ce nom. Mais elle peut se targuer d’avoir vu naître sur ses terres le football moderne aux sons des dernières trompettes anversoises qui résonneront pour toujours dans les têtes des quadras du pays. Et tout ça, à défaut d’étoile, ça mérite bien une frite brodée sur le maillot, un fameux frite-maillot.

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